Pourquoi tant de pourquoi ? Et comment répondre ?
Pourquoi le ciel est bleu ? Pourquoi on vit ? Comment on fait les bébés ? A travers ses questions, votre enfant exprime souvent de vraies interrogations sur le sens de la vie ! Notre spécialiste, Colette Pericchi, psychologue clinicienne, vous aide à les décrypter.
- Votre enfant a le don de poser des questions au moment où vous les attendez le moins ! Ces questions cachent souvent des interrogations qui vont bien au-delà de leur simple apparence. Pour votre enfant, rien ne va de soi ! Pas étonnant qu’il se tourne vers vous, ses parents, détenteurs à ses yeux d’un savoir global sur la vie. Et vous n’avez pas envie de le décevoir !
- C’est surtout entre 2-4 ans et 7 ans que votre enfant pose ces questions désarçonnantes. Mais les réponses « scientifiques » (par exemple, le fait que la Terre tourne en permanence autour du Soleil), ne l’intéresseront vraiment qu’à partir de l’âge de l’école primaire. En attendant, pour son bien-être (et votre propre tranquillité !) mieux vaut savoir décrypter le sens caché de ces questions, surtout lorsqu’elles se répètent !
A la découverte de lui-même : « Où j’étais quand je n’étais pas né ? Où je serai quand je serai mort ? »
- Quelques variantes : « Quand j’étais dans ton ventre, je m’appelais déjà Ariane ? », Ariane, 5 ans. « Toi, aussi, un jour, tu n’existeras plus ? », Léa, 4 ans et demi. « Il a une maman le ver de terre ? », Alice, 3 ans et demi.
Ce qu’il veut dire
- Avant 6 ans, la pensée de votre enfant est surtout organisée autour de sa petite personne ! Par exemple, quand il vous demande : « Comment on fait les bébés ? », il a besoin de savoir comment il a été fait lui et si on l’a assez aimé pour l’avoir voulu… Bien sûr, la question est au premier abord scientifique : c’est le moment de lui parler d’amour et de la fameuse petite graine !
- Ce type de demandes cachent souvent une interrogation plus vaste. « Elles ont pour origine l’inquiétude du jeune enfant quant à sa place dans le monde. Il a besoin de vérifier la solidité de ses racines », note Colette Pericchi. Lorsque votre enfant s’interroge sur l’avenir de la Terre en absence du Soleil, il s’inquiète peut-être de son propre avenir si ses parents (et surtout son père, cet astre solaire !) disparaissaient… Ce qui est une angoisse partagée par beaucoup d’enfants !
Comment l’aider ?
- Les livres pour enfants constituent souvent un bon point de départ, surtout si vous n’êtes pas très à l’aise pour aborder avec lui les questions autour de la sexualité.
- S’il peine à se situer dans une « lignée » familiale, vous l’aiderez en bricolant avec lui un arbre généalogique avec des photos récentes. Repérer « qui est qui » dans la famille lui permettra de mieux comprendre d’où il vient.
A la recherche de repères dans l’espace et le temps : « D’où ça vient ? C’est quand demain ? »
- Quelques variantes : « Bientôt, c’est dans combien de temps ? », Claire 4 ans. « On est le matin ou on est l’après midi ? », Jonathan, 4 ans.
Ce qu’il veut dire
- Très centré sur lui-même, votre enfant conçoit le monde à son image. Pour lui, le vent, par exemple, pense de la même façon que lui et possède les mêmes facultés et réactions qu’un être humain. « Quand votre enfant cherche à connaître l’origine des phénomènes naturels, ou des éléments de la nature, c’est aussi une façon de se renseigner sur lui-même : “D’où je viens”, “Qui je suis ?” », explique Colette Pericchi. Il cherche à se repérer dans l’espace, mais aussi dans le temps.
- Demander : « Où ça va ? » et « D’où ça vient ? », implique aussi qu’il perçoit qu’il existe un « avant » et un « après »... Il les formule lorsqu’il commence à avoir la notion du temps qui passe. Mais tout cela reste encore très flou ! Patience, il faudra attendre ses 6-7 ans avant qu’il ne soit au clair entre le présent, le passé et le futur ! En attendant, tenez-vous prêt à répondre à un grand nombre de questions…
Comment l’aider ?
- Donnez-lui des repères concrets par rapport à son emploi du temps personnel. Par exemple, plutôt que de lui dire : « On lira ce livre plus tard », ce qui risque d’entraîner l’inévitable : « C’est quand plus tard ? », mieux vaut lui dire : « Tu prends ton bain, on mange et ensuite on lit le livre ».
- Pour annoncer des projets à plus long terme que le lendemain, vous pouvez utiliser, comme le font beaucoup de parents, le nombre de « dodos » : « On ira chez grand-mère dans cinq dodos. » A condition, bien sûr, qu’il fasse la distinction entre la sieste et le dodo de la nuit !
l essaie de comprendre le monde : « Pourquoi il n’est pas pareil ? »
- Quelques variantes : « Pourquoi je ne suis pas un garçon ? », Lucie 3 ans et demi. « Pourquoi Hugo a les cheveux longs alors que c’est un garçon ? », Etienne, 4 ans. « Pourquoi le monsieur a la peau marron ?», Louna 4 ans.
Ce qu’il veut dire
- « L’enfant est très tôt sensible à ce qui est « pareil » ou « pas pareil ». Quand il est très jeune, les différences le déconcertent et lui font peur, car elles sont pour lui la manifestation de l’inconnu », indique Colette Pericchi.
- A partir de 2-3 ans, il traverse une période particulièrement stimulante : il découvre son corps et ses différences avec les autres, différences de sexe, de couleur de peau, de longueur de cheveux… Il suit avec beaucoup de conviction les stéréotypes culturels liés à son sexe : jupes « qui tournent » pour les filles, jean et cheveux courts pour les garçons !
- Votre enfant, qui n’a pas encore une identité bien constituée, cherche à s’identifier à ceux qu’il côtoie. Pour votre petit conformiste, à l’âge de l’école maternelle, ce qui est bien c’est d’être comme les autres !
Comment l’aider ?
- Il a besoin d’être rassuré sur son identité sexuelle. Il est important de lui rappeler l’interdit de l’inceste : « Non, tu ne peux pas te marier avec ton papa/ta maman ! » Il doit aussi intégrer que tous les êtres humains sont différents : il y a des petits, des grands, des avec des lunettes, avec la peau sombre, claire… D’ailleurs, s’il voyageait en Afrique, c’est lui que les autres verraient comme différent !
Comment répondre ?
… à ses questions savantes. D’abord, essayez de savoir où en est votre enfant dans sa façon de raisonner par rapport au monde. Répondez-lui en lui retournant sa question. Une fois au clair sur ce qu’il sait, fournissez-lui une explication scientifique, si besoin à l’aide d’une encyclopédie pour enfant, car ses questions sont parfois de vraies colles ! Votre réponse ne lui suffit pas vraiment, tout au moins pour le moment ? Il est possible qu’elle perturbe ses propres idées en la matière ! Il exprimera peut-être ces doutes tout de suite… ou dans quelques semaines. A côté des explications scientifiques, il a aussi besoin de savoir qu’on l’écoute et qu’on l’aime !
… à ses questions délicates. Si les questions qu’il pose en public sont déroutantes, si vous n’êtes pas disponible pour lui répondre, si vous êtes gêné et craignez de vous empêtrer dans des explications, différez votre réponse. Mais ne le laissez pas dans l’incertitude !
… à ses questions à répétition : « Pourquoi tu fais ci ? Pourquoi tu fais ça… » Il vous pose des questions sans arrêt ? Il essaie sûrement d’« occuper le terrain » auprès de vous en captant votre attention, quel que soit le sujet ! Vous avez tout à fait le droit de répondre gentiment : « Parce que c’est comme ça ! »
Marie Auffret-Pericone avec Colette Pericchi, psychologue clinicienne, auteur de Le Pourquoi des pourquoi, éditions Marabout.
© Enfant Magazine
Gros mots : pourquoi ils aiment tant ça ?


Depuis peu, mon enfant dit des gros mots. Jurons, grossièretés, vulgarités... D'accord, il ne connaît pas le sens de ce qu'il dit. N'empêche qu'il ne faudrait pas que ça devienne une habitude !
Gros mots : un passage obligé
Tout commence par un mot incongru qui écorche l'oreille. « On était avec mes beaux-parents dans le salon et d'un seul coup, j'entends Paul marmonner “… chier”, raconte Lola, maman de Paul, 3 ans. J'ai d'abord cru que je m'étais trompée. Puis il a fait tomber son jeu et là, aucun doute : je l'ai distinctement entendu prononcer « fait chier » ! J'étais effarée et morte de honte. » Pas de quoi. Tous les enfants – ou presque – succombent à un moment ou à un autre au charme sulfureux des gros mots. « Vers 2 ans et demi 3 ans, c'est un passage obligé, confirme Rafi Kojayan, pédopsychiatre*. Cela fait quasiment partie du développement psychique de l'enfant. »
A chaque âge ses vulgarités
« Les premiers gros mots, ceux qu'on entend dans la bouche des enfants dès 2 ans, sont très centrés sur le pipi-caca, observe le pédopsychiatre. On est dans le registre scatologique. Entre 3 et 4 ans, ils ne parlent plus que de zizis, de nénés, de fesses, etc. C'est le registre sexuel. Enfin, vers 5 ans, ils se délectent de toutes les grossièretés possibles : dégueulasse, chiant, crétin, con, etc. On est dans le registre blasphématoire. » Attention, ces trois registres se superposent dans le temps. Ainsi ce n'est pas parce qu'il est passé au registre sexuel que votre chérubin va arrêter de dire des mots scatologiques. Patience. « Le passage d'un registre à l'autre montre qu'un nouveau cap de maturité a été franchi, explique Rafi Kojayan.
Le temps des pipi-caca correspond à l'étape de l'acquisition de la propreté. Contrôler son corps, pour un enfant, ce n'est pas facile. Cela engendre chez lui des craintes et des peurs. Les gros mots sont alors un exutoire, ils lui permettent de décharger ses tensions internes. » Exactement comme nous, adultes, lorsque nous pestons ! « C'est le cap dit pulsionnel, poursuit le spécialiste. Avec le temps des mots à connotation sexuelle (zizi, couilles, nénés, cul), vers 4-5 ans, on passe un second cap dit transgressif. L'enfant prononce alors des gros mots pour provoquer des réactions chez les adultes, un peu comme il ferait des bêtises pour faire rire. Enfin, avec le temps des “connard, chiant, crétin” », vers 5-6 ans, on arrive au troisième cap, celui de la provocation. C'est l'époque du passage au CP. A cet âge, parler grand, c'est dire des gros mots. Il se montre grossier pour faire comme les autres, pour être reconnu et accepté par ses pairs.
Comment réagir quand mon enfant dit des gros mots ?
Depuis que j'ai un enfant, et pour tenter devant lui d'avoir “une dignité d'adulte”, j'essaie d'oublier les jurons et de passer au “sapristi”. Je peux vous dire que ce n'est pas facile et que ça ne se fait pas en un jour ! Pierre, 30 ans, papa de Samuel, 2 ans.
Certes, les vulgarités de votre enfant vous mettent mal à l'aise et vous énervent. Pourtant, la meilleure réaction consiste à rester serein(e). S'il voit qu'il a le pouvoir vous faire sortir de vos gonds rien qu'en prononçant certains mots, il aura tendance à en abuser ! « L'interdit n'est pas la meilleure solution, soutient Raki Kojayan. Un enfant a le droit de dire des gros mots. Ça dépend lesquels, avec qui, et dans quelles conditions. » Première chose à faire : lui expliquer le sens des mots qu'il emploie. Il doit comprendre que certains sont à bannir parce qu'ils sont orduriers ou qu'ils peuvent blesser celui qui les reçoit. Pour remplacer ces mots, proposez-lui en d'autres qui sont socialement acceptables : saperlipopette, flûte, mince, cornichon, bêta. Pour les mots que vous jugez tolérables, à vous de définir le cadre dans lequel ils peuvent être utilisés. Expliquez clairement à votre enfant avec qui et quand il peut les prononcer. Par exemple, il peut laisser échapper un « chiant » quand il joue avec un copain dans sa chambre mais jamais devant la maîtresse.
Chez nous, on invente des mots pour remplacer les gros mots. C'est à qui trouvera les plus désopilants. espèce de ratafia, carabistouille, Ça marche très bien. Le rire finit toujours par désamorcer la colère. Jean-Guillaume, papa de Lou et de Jonathan, 6 ans.
Et ça va durer longtemps ?
« Le plus souvent, les gros mots sont passagers. On explique à l'enfant pourquoi il ne faut pas les utiliser et ça passe », assure Rafi Kojayan. Mais certains petits continuent à dire des gros mots même quand ils ont appris que c'est inacceptable. Ce sont souvent des enfants qui ont du mal à canaliser leurs émotions. Qui tapent, crient et font des colères quand on les frustre ou qui sautillent comme des cabris si on leur fait plaisir. Ils utilisent les gros mots pour se décharger émotionnellement. Si c'est le cas du vôtre et que vous ne parvenez pas, malgré tous vos efforts, à faire passer cette vilaine habitude, il peut être utile de consulter un psychologue.
* Coauteur de L'éducation positive, c'est malin, Leduc.s Editions.
Quelques conseils si votre enfant dit des gros mots
A faire
Lui apprendre à s'excuser s'il a offensé ou peiné quelqu'un avec ses mots.
Donner l'exemple Si vous-même utilisez des mots vulgaires, votre enfant ne va pas comprendre pourquoi lui n'a pas le droit de les utiliser. Un juron vous a échappé ? Dites que vous regrettez d'avoir utilisé ce mot et qu'à l'avenir vous essaierez de vous contrôler.
Instaurer un "quart d'heure des gros mots" Pas tous les jours, bien sûr ! Mais une fois par semaine, par exemple, pendant 15 minutes, votre enfant a le droit de dire toutes les injures qui lui passent par la tête. Cela vous permettra de voir ce qu'il a appris récemment et de revenir sur certains mots pour les expliquer.
A ne pas faire
Sourire lorsqu'il dit un gros mot C'est une réaction qui ne peut qu'inciter votre enfant à recommencer.
Prendre un air profondément choqué Mieux vaut expliquer clairement et calmement : « On ne dit pas des choses comme ça à la maison. »
Discuter devant lui des gros mots qu'il prononce avec d'autres personnes (famille, amis). Il risque d'en déduire que ça le rend intéressant aux yeux des autres.